Abbas Kiarostami, un art de la performance
Suite à notre cycle Abbas Kiarostami
Dans Ten on ten Kiarostami nous dit qu’il ne caractérise pas son cinéma par la mise en scène. C’est un poète, un philosophe, un iranien, un cinéaste – et surtout un artiste qui a besoin du jeu avec le réel de ses personnages pour créer. A cette occasion nous pourrions dire que dans l’art de Kiarostami – mais aussi bien dans tout art, rentrerait par nature une dimension de performance. On pourrait déjà en dater l’exploration à partir du dadaïsme.. puis dans les années 1960 et 70 l’affirmation de cette dimension substantielle de la « performance » où aussi bien l’artiste, ses spectateurs ou ses acteurs entrent en jeu y sont comme aspirés – et mis en scène ? du moins en composition dynamique sur un même plan.
Le cinéma de la nouvelle vague est un art de la performance. Même Bergman dans Monika fait de la performance quand l’actrice regarde la caméra. Mais c’est aussi le cas de Sylvia Bataille dans Partie de Campagne quand son personnage et l’actrice abandonnée couchée sur l’herbe dans un acte ambivalent sont mis à contribution et que de son œil perle une vraie larme. Tout comme c’est le cas des jeunes enfants du film Le passager ou de celui-ci : Où est la maison de mon ami. L’acteur en tant que personne Renoir, Bresson, aussi bien que Kiarostami ont su les révéler. Que l’acteur non professionnel puisse rentrer dans ce processus créatif tel est le tour de force, celui d’un dispositif éprouvé et pourtant toujours improvisé, avec une marge de jeu, d’aléa, de chance. de grâce disent les religieux de Kairos disent les vieux grecs.
Que le cosmos – et donc Dieu – puisse être produit plutôt que simplement imité. Par quelque chose qui histrionne, c’est à dire qui modifie le destin et l’ambiance, les « interro-gents ». Où la filiation physique de L’humain avec le cosmos s’établit. La nature non arrêtée et énigmatique, incroyable, simple, limpide, évidente, des humains n’en est pas moins sa plus haute affirmation forcément sensible physique et humble, comme la poussière, la lumière, le vent, les oliviers ; surtout les paroles et les regards francs de celles et ceux qui jouent leur vie et y aspirent formidablement. Elles et eux sur l’écran, nous devant. Toute mystique a quelque chose à voir avec l’art… en ce que qu’elle touche à la création, au mystère de l’âme vivante de son advenue sur Terre depuis très loin jusqu’à très loin et pourtant si proche, qui se produit là en vérité et avec des artifices. Ca performe avec la grâce. Obtenant le consentement des gens qui s’y prêtent – et celui des circonstances – simultanément les imposant, les arrachant, les obtenant Nous sommes frappés de ceci. Cette frappe fait art chez Kiarostami. Dans celle-ci il y a un immense respect, pour les personnes, pour les acteurs pour les spectateurs. Et simultanément un rapt.